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Le « crédit mutualisé », c’est quoi?

Le « crédit mutualisé », nommé aussi « Barter », est un système de « chambre de compensation » qui permet d’organiser les échanges au sein d’un réseau pour les besoins propres à ses membres.

Il s’agit d’un outil de « création monétaire » à usage interne au réseau, non convertible en euros, légal si les échanges sont déclarés avec facture à valeur euros.

Le « crédit mutualisé » peut être associé à l’utilisation d’une monnaie locale complémentaire classique, avec possibilité de comptes numériques communs.

Comment ça marche ?

Lorsqu’un service est rendu au sein de la communauté, le fournisseur voit son compte crédité et celui du client débité. La somme totale des débits crédit est toujours égale à zéro.

Le crédit obtenu par le fournisseur est utilisable au sein de la communauté tandis que le client s’engage à fournir à terme un service à la communauté pour remonter en crédit.

En Suisse, la monnaie WIR suisse est un « barter » ou « système de crédit mutuel » qui a été constitué entre PME lors de la crise financière internationale de 1929. Le WIR a ensuite obtenu le statut de banque et constitue la deuxième monnaie suisse. C’est une « monnaie refuge » prenant le relais des échanges en d’autres devises dés que la situation économique et financière internationale est en difficulté…

L’unité de compte

Les systèmes de trocs directs sont impossibles à transposer dans des relations économiques quotidiennes. En effet, le troc requiert que chacun des deux partis possèdent ce que l’autre recherche, au même moment et dans des quantités de valeur équivalente.

Une solution est donc de mutualiser ces échanges au sein d’une communauté capables de fournir biens et services variés. Au sein de la communauté les services rendus et reçus par chacun.e sont comptabilisés afin d’en garantir l’équilibre.

A l’instar des Systèmes d’Échanges Locaux (SEL), la communauté peut définir sa propre unité de compte. Les échanges peuvent par exemple être comptabilisés en crédit temps, en équivalent euros …

Cette unité de compte remplit plusieurs critères fondamentaux de la monnaie :

– Elle sert d’intermédiaire dans les échanges

– C’est une unité de compte des échanges économiques

– Elle sert de réserve de valeur dans une certaines mesures (on peut fournir un service à un moment donné et demander un service de valeur équivalente à un moment différent)

La communauté

Cette unité de compte (appelons la LIEN Mutualisé : LM) ne peut être convertie ni en Euros, ni en LIEN et elle ne circule qu’entre les membres de la communauté.

Ce mode de fonctionnement invite chaque membre de la communauté à s’interroger pour savoir ce qu’il.le peut apporter à la communauté et également ce dont il.le a l’utilité au sein de la communauté.

La chambre de compensation

La comptabilité des échanges est gérée par une chambre de compensation. Cette chambre enregistre les transactions et comptabilise les débits et les crédits de chaque membre de la communauté.

Concrètement :

– Au lancement du système, on ouvre pour chaque membre de la communauté un compte LM dont la valeur est nulle.

– Lorsque le membre A travaille pour le membre B pour une valeur de 100LM. La chambre de compensation prend alors note de la transaction et les comptes sont alors ainsi :

A : 100LM et B : -100LM

– L’objectif de chacun.e des membres est d’osciller autour de 0 LM ce qui représente un état d’équilibre entre service rendus et reçus avec la communauté.

NB : Quoi qu’il arrive, le total des comptes de chacun.e des membres sera toujours nul.

La facturation

Afin d’être légaux, les échanges doivent faire l’objet d’un facturation en euros afin de pouvoir appliquer la TVA. Il suffit juste de préciser sur la facture « paiement par compensation via LIEN Mutualisé »

Postures philosophiques

Nous allons voir ici quelques postures philosophiques nécessaires à la mise en place d’un système de paiement crédit mutualisé.

Assurance collective

Dans un système de crédit mutualisé, la création monétaire (si on assimile l’unité de compte à de la monnaie) est garantie par la communauté. Cela signifie qu’en cas de membre non solvable, c’est la communauté qui devra, pour assurer la pérennité du système, compenser le débit du membre en question.

Exemple :

Prenons une communauté du 50 membres qui fonctionnent avec un système de crédit mutualisé. Si un.e membre a un dette de 100LM et qu’il.le fait faillite. Chacun.e des autres membres devra alors réaffecter 2LM de dette sur son compte afin d’assurer que la somme totale des comptes reste nulle.

C’est pour cette raison que dans la plupart des systèmes de crédit mutualisé mettent en place un plafond et un plancher sur le compte des membres de la communauté. Cette limite permet d’éviter qu’un.e membre ne contracte une dette trop importante puis fasse faillite. La valeur plancher correspond à ce que la communauté accepte d’assurer « par défaut ».

Solidarité

Le fonctionnement par assurance collective de la création monétaire permet également de développer la solidarité au sein du réseau. En effet, la communauté a plutôt intérêt de soutenir ses membres en difficulté puisqu’en cas de départ, les mécanismes décrits ci dessus se mettent en place.

Le deuxième axe de solidarité que nous pourrions développer, pour initier le fonctionnement en crédit mutualisé serait d’appliquer l’utilisation du LM à des échanges solidaires au sein de la communauté. Le Crédit mutualisé pourrait servir à mettre en valeur des échanges qui ne sont normalement pas facturés en euros.

Exemple :

Un magasin alimentaire qui s’installe à besoin d’aide pour étudier l’agencement de sa surface. Un.e professionnel.le du réseau qui a sa boutique depuis plusieurs années prend 3h de son temps pour venir conseiller le magasin en cours d’installation.

Dans un contexte comme celui ci. La reconnaissance du travail effectué par le.a professionnel.le déjà implantée pourrait être faite en LIEN Mutualisé.

Avantage pour le.a professionnel.le: Il.le reçoit une reconnaissance du travail réalisé et peut prétendre à recevoir un service de valeur équivalente au sein de la communauté

Avantage pour le magasin en cours d’installation: Il reçoit les conseils d’un.e professionnel.le sans avoir besoin de toucher à sa trésorerie LIEN (ou Euro).

Résilience financière

La résilience est la capacité d’un système à encaisser les chocs. Nos échanges sont aujourd’hui tous comptabilisés par l’Euro, en cas de crises financières, nous ne serons pas capables de continuer à faire tourner l’économie. (Ne pas oublier que Le LIEN en tant que Monnaie Locale Complémentaire est équivalent à un Euro)

En revanche le LM est une unité de compte indépendante dont la valeur ne varie pas en fonction de l’Euro. La communauté LM pourra continuer à réaliser et comptabiliser ses échanges au sein du réseau.

Possibilités de Développement

Résilience économique

Nous venons d’évoquer la résilience financière qui nous assure de conserver une unité de compte valable pour des échanges au sein d’une communauté. Il faut comprendre que cette résilience ne s’applique qu’au sein du réseau et pas lors des échanges avec l’extérieur.

La condition nécessaire à cela est donc d’avoir une communauté dont les biens et services soit suffisamment diversifiés pour avoir une résilience économique sur le territoire.

Il est donc important, au moment de la construction de la communauté, de diversifier les ressources tout en priorisant et équilibrant les biens et compétences les plus importants (alimentation, énergie …)

Soutien à la création de projet

Nous avons vu la notion d’assurance collective de la création monétaire au sein de la communauté. La communauté peut choisir, collectivement, d’autoriser ponctuellement un projet à dépasser le plancher habituel si elle estime que le projet en question apporte de la valeur à la communauté est sera capable de rembourser la dette contractée grâce à sa production ou ses services.

Exemple :

Un agriculteur souhaite s’installer proche de Saint Étienne, la communauté décide de lui autoriser un débit de 3 000LM. En d’autre termes, la communauté l’autorise à prélever pour 3 000LM de valeur au sein de la communauté pour lancer son projet. L’avantage est que la charge de ces 3 000LM est assumé par la communauté et non par le membre qui possède ce dont a besoin l’agriculteur.

Conclusion : ce qui nous intéresse dans la mise en place d’un système de « Crédit Mutualisé » :

  1. Système résilient en cas d’effondrement financier et économique (à l’image du WIR Suisse)

  2. Système en gestion collective permettant de définir les règles internes, propres à son fonctionnement

  3. Possibilité de calculer la valeur des échanges selon d’autres références que la valeur Euro, moyennant factures et déclarations fiscales faites en équivalent euro

  4. Souhait de développer l’utilisation du « Crédit Mutualisé » en référence au temps, avec valorisation des échanges solidaires entre professionnel.le.s

  5. Souhait d’intégrer les individus au réseau inter-entreprises, notamment en attribuant une part de salaire en crédit mutualisé pour les salarié.e.s qui le souhaitent, comme le fait le Sardex (Système en « crédit Mutualisé » fonctionnant depuis quelques années en Sardaigne)

Pour creuser la question :

Ouvrage :

  • Marion Cauvet, Baptiste Perrissin Fabert, Les monnaies locales : vers un développement responsable. La transition écologique et solidaire des territoires, Paris, Rue d’Ulm, coll. « Sciences durables », 2018, 128 p., préface de Michel Aglietta >> Présentation à retrouver ICI

Wikipédia :

Articles divers :